Le déploiement du compteur Linky en France continue de susciter des interrogations, notamment chez les locataires. Entre obligations légales, responsabilités contractuelles et conséquences financières, les droits des locataires face à l’installation de cet appareil ne sont pas toujours bien compris.
Compteur Linky : qui décide de son installation ?
Ce que dit la loi et la position d’Enedis
Enedis, en charge du réseau de distribution d’électricité en France, considère que le compteur Linky fait partie des installations appartenant au réseau public. Selon cette logique, ni le locataire ni, dans certains cas, le propriétaire ne peuvent s’opposer à sa pose. L’article 29 de la loi n°2015-992 relative à la transition énergétique fixe en effet l’obligation de moderniser les équipements de comptage.
Le gestionnaire de réseau rappelle que les compteurs sont des biens publics affectés à une mission de service public, laquelle ne nécessite généralement pas l’accord exprès du résident pour la pose si le compteur est accessible depuis les parties communes ou l’extérieur du logement.
Un point contesté par certains collectifs
Certains collectifs citoyens, tels que l’association ACCAD, soutiennent au contraire que la légitimité de la pose dépend de l’occupant réel des lieux, en particulier si celui-ci paie directement ses factures d’électricité. Ils estiment que le locataire devrait pouvoir décider de l’acceptation ou du refus du compteur dans la mesure où il est l’abonné au contrat d’énergie. Pour en savoir plus, leur analyse est détaillée sur leur site Web.
Conséquences financières du refus du compteur Linky
Dès le 1er août 2025, les utilisateurs refusant explicitement la pose du compteur Linky se verront appliquer des frais supplémentaires. Ces coûts sont désormais fixés à l’échelle nationale.
| Type de situation | Frais annuels |
|---|---|
| Refus de la pose du compteur Linky | 46,70 € |
| Non-communication des index (compteur inaccessible) | 76,50 € |
Ces frais couvrent les interventions manuelles nécessaires pour les relevés ou l’entretien, que le compteur communicant automatiserait normalement. Le site LeLynx.fr détaille ces montants et leur origine réglementaire.
Risques en cas de refus : entre contrainte contractuelle et implications techniques
Une rupture potentielle du contrat d’énergie
Les fournisseurs d’électricité intègrent dans leurs conditions générales de vente l’obligation de laisser Enedis accéder au dispositif de comptage. Refuser physiquement l’installation peut donc, dans certains cas, constituer une rupture contractuelle avec le fournisseur. Cela peut déboucher sur une suspension du service ou une résiliation du contrat si l’accès technique n’est pas permis.
Des limitations fonctionnelles pour l’usager
En plus des coûts supplémentaires, d’autres types d’inconvénients sont à prévoir :
- Impossibilité de disposer d’options tarifaires évoluées comme les heures pleines/heures creuses dynamiques
- Impossibilité de suivre sa consommation en temps réel via une application
- Technicien requis pour des opérations qui, avec Linky, sont réalisées à distance
C’est notamment un frein pour les abonnés souhaitant optimiser leur contrat ou migrer vers des offres d’électricité verte ou auto-consommation, un sujet que nous avons abordé dans notre article consacré aux logements économes en énergie.
Changement imposé en cas de panne
Les compteurs existants dits « électromécaniques » ne sont plus produits ni disponibles en stock. En cas de dysfonctionnement de l’ancien appareil, seul un compteur Linky pourra être installé. Ce remplacement deviendra alors payant, alors qu’il est actuellement encore proposé sans coût additionnel si effectué dans le cadre du programme national de déploiement.
Peut-on vraiment refuser l’installation du Linky en tant que locataire ?
Le droit de refus dépend de plusieurs facteurs concrets :
- Position du compteur : Si celui-ci est situé à l’intérieur du logement, le locataire peut empêcher physiquement l’accès en refusant l’entrée au technicien.
- Intervention d’Enedis : La société ne peut forcer l’entrée au domicile sans décision judiciaire. Aucun agent n’est autorisé à pénétrer sans votre présence ou autorisation écrite.
- Situation sur le bail : Certains propriétaires souhaitent que le compteur soit remplacé, ce qui implique potentiellement des obligations contractuelles supplémentaires si cela est exprimé dans le bail.
Envoyer un courrier recommandé à Enedis ou signaler son refus directement au technicien peut temporairement repousser l’intervention. Mais cette démarche n’entraîne pas de reconnaissance légale du droit de refus, d’où l’ambiguïté persistante sur ce sujet, comme le souligne Cartoimmo.
Que risque-t-on réellement ?
Si la pose est refusée sans justification technique ou accessible extérieurement, Enedis pourrait décider de pratiques coercitives telles que la facturation des relevés, voire saisir la justice pour imposer l’accès aux équipements. Néanmoins, les procédures judiciaires restent rares et souvent évitées par Enedis, compte tenu de leur coût et incertitude.
À l’inverse, certains cas documentés montrent des situations de tension, où des usagers ont vu leur contrat suspendu, parfois sans mise en demeure claire. La réglementation actuelle laisse peu de marge de manœuvre : le déploiement du Linky reste inscrit dans une logique d’uniformisation nationale.
Au final, si vous êtes locataire, vous pouvez techniquement empêcher l’installation si le compteur est à l’intérieur. Mais cette opposition n’est ni pérenne ni sans conséquence. S’engager dans cette voie nécessite d’accepter les coûts et les contraintes liées, ainsi que les probabilités de devoir céder à terme.