Trêve hivernale : peut-on m’expulser entre novembre et mars ?

Entre novembre et mars, une période connue sous le nom de trêve hivernale interdit en principe l’expulsion des locataires. Mais cette protection a des limites. Voici ce qu’il faut savoir pour comprendre vos droits, les exceptions possibles et les recours dont vous disposez si vous êtes concerné.

Origine et portée de la trêve hivernale

Créée pour protéger les personnes vulnérables contre les conséquences sociales et sanitaires du froid, la trêve hivernale interdit toute expulsion locative entre le 1er novembre et le 31 mars. Cette mesure s’applique chaque année, sans exception calendaire spécifique, depuis son inscription dans le Code des procédures civiles d’exécution (article L.412-6).

Elle fut consolidée par la loi ALUR de 2014, qui a précisé certaines modalités d’application, notamment pour les logements sociaux et les situations d’urgence. Pendant ces cinq mois, même si une procédure d’expulsion est engagée et qu’un jugement a été rendu, le locataire ne peut pas être contraint physiquement de quitter le logement.

Quelles expulsions sont suspendues ?

Lorsque la trêve est en cours, aucune expulsion ne peut avoir lieu, même suite à :

  • Des impayés de loyers,
  • Un non-respect du contrat de location,
  • Des troubles de voisinage imputables au locataire,
  • La fin du bail avec demande de reprise du logement.

Cette suspension s’applique à tous les logements, qu’ils soient loués vides, meublés ou occupés à titre gracieux.

Cas dans lesquels l’expulsion reste possible

Ce droit à la protection n’est pas universel. Plusieurs situations échappent au régime de la trêve hivernale :

Cas d’exception Description
Occupation sans droit ni titre (squat) Une procédure accélérée permet l’expulsion même durant l’hiver si l’occupation est illégale.
Relogement effectif Lorsqu’un relogement correspondant aux besoins du foyer est proposé, l’expulsion peut être menée.
Violences conjugales Une ordonnance de protection peut entraîner l’éviction immédiate d’un conjoint ou concubin violent.
Logement étudiant (Crous) Si l’étudiant ne remplit plus les conditions de maintien (études en cours), une expulsion peut être autorisée.
Insalubrité ou péril Un arrêté municipal ou préfectoral de mise en sécurité peut déclencher un relogement obligatoire.

Effets collatéraux de la trêve : énergie, chauffage et services essentiels

La trêve hivernale suspend également certaines coupures d’approvisionnement. Ainsi, les fournisseurs ne peuvent pas interrompre :

  • Le gaz,
  • L’électricité,
  • Le chauffage urbain.

Cela vaut même en cas d’impayés. Le fournisseur peut néanmoins proposer une réduction de puissance pour inciter à la régularisation du compte.

Procédures judiciaires pendant la période de trêve

Il est possible pour le propriétaire d’intenter une action au tribunal ou de poursuivre une procédure déjà en cours. Ce qui est suspendu, c’est uniquement l’exécution matérielle de l’expulsion (intervention physique d’un commissaire de justice).

Une fois la trêve terminée, à partir du 1er avril, il pourra faire appel à un huissier pour mettre en œuvre l’expulsion. Cette étape doit être réalisée dans le respect strict de la légalité — les expulsions sans décision judiciaire préalable restent interdites, et les sanctions sont sévères.

Le non-respect de cette procédure par le bailleur constitue une voie de fait, passible de 3 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende (article 226-4-2 du Code pénal). Seul un commissaire de justice peut faire exécuter le jugement, et uniquement entre 6h et 21h les jours ouvrés.

Le lendemain de la trêve : que se passe-t-il à partir du 1er avril ?

Dès la fin officielle de la trêve, la décision de justice produira tous ses effets. L’huissier peut se présenter au domicile pour exécuter l’expulsion si les conditions procédurales sont remplies. Les propriétaires peuvent aussi demander l’intervention de la force publique en cas de blocage. Ce recours peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, selon les préfectures.

Il est donc utile de se rapprocher des services sociaux ou de solliciter une aide juridictionnelle avant que la situation ne devienne irréversible. Des associations comme la Fondation Abbé Pierre ou le Secours Catholique peuvent accompagner les locataires confrontés à ces situations.

À ce stade, anticiper reste une solution viable. Si vous craignez une expulsion, la négociation en amont ou la solution amiable (échelonnement de la dette, accompagnement social) est souvent préférable. En parallèle, une demande de relogement ou un recours au DALO (droit au logement opposable) peut être étudié. Nous avons évoqué plusieurs leviers juridiques disponibles pour contester une décision d’expulsion de manière encadrée.

Aller plus loin : un dispositif toujours sujet à débats

La trêve hivernale fait régulièrement l’objet de débats quant à son efficacité et sa portée. Certains y voient une rigidité empêchant les propriétaires de récupérer leur bien, surtout face aux mauvais payeurs. D’autres soulignent son rôle vital pour protéger les familles et prévenir les drames sociaux pendant l’hiver.

Selon l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL), plus de 16 700 expulsions forcées ont été réalisées en 2023 après la fin de la trêve, souvent avec le concours de la force publique. Le chiffre est en hausse continue depuis la levée des restrictions post-Covid, montrant la fragilité persistante de nombreux foyers.

Face à cela, des propositions de réforme émergent pour renforcer les aides au maintien dans le logement plutôt que de repousser leur sortie de quelques mois. Le débat est donc autant juridique que social, et il se poursuit chaque année à l’approche de l’hiver.

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LaRedac
Rédaction du site locama immobilier. Nos articles sont choisi par des passionnés de l'immobilier. La rédaction s'appuie sur des textes de loi, des références officielles ainsi que l'intelligence artificielle pour rédiger les articles du blog.

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