Certains propriétaires, dans les zones concernées par l’encadrement des loyers, demandent un supplément au loyer de base au motif qu’un logement bénéficierait d’une « vue dégagée ». Si cette pratique existe, elle doit répondre à des conditions strictes. Et un locataire peut tout à fait s’y opposer, à condition de le faire dans les délais et selon une démarche encadrée.
Justification d’un complément de loyer pour vue dégagée
Selon les textes en vigueur, notamment la loi ELAN et les décrets sur l’encadrement des loyers, un complément de loyer ne peut être appliqué que si le logement présente des caractéristiques de confort ou de localisation qui ne sont pas prises en compte dans le calcul du loyer de référence majoré. Parmi ces caractéristiques, une vue dégagée peut être retenue.
Cependant, cette justification repose sur trois conditions cumulatives que le propriétaire doit pouvoir démontrer :
- La vue doit réellement distinguer le logement de la majorité des autres logements comparables du voisinage immédiat.
- Cette particularité ne doit pas déjà être reflétée dans le loyer de référence appliqué dans le secteur.
- Elle ne doit pas ouvrir droit à une répercussion au titre des charges locatives.
La jurisprudence commence à tracer les contours de ce qui peut ou non justifier un complément de loyer. Ainsi, une vue végétalisée banale ou simplement dégagée sans autre singularité ne suffit généralement pas. En revanche, une vue exceptionnelle sur un monument classé ou sur la mer peut être considérée comme un atout valorisant le logement au point de justifier un supplément.
Exemples concrets et éléments de preuve
Différentes décisions judiciaires et conciliations révèlent des cas de figure typiques :
| Caractéristique invoquée | Complément accepté ? | Motif |
|---|---|---|
| Vue sur un jardin partagé | Non | Présentation similaire dans tout l’immeuble |
| Vue sur la Tour Eiffel depuis le salon | Oui | Exclusivité sur l’immeuble et sur le secteur |
| Balcon avec orientation plein sud sans vis-à-vis | Non | Trop commun dans le quartier |
| Panorama à 180° sur le littoral | Oui | Caractère rare et non intégré au loyer de référence |
Le propriétaire doit fournir des éléments objectifs, tels que des photos, plans, annonces comparables ou expertises immobilières. L’intitulé dans le bail doit mentionner clairement la raison du complément et son montant.
Délais et procédure pour contester ce supplément
Délai de contestation : trois mois
Le locataire qui estime que le complément pour vue dégagée est injustifié dispose de trois mois à compter de la signature du bail pour agir. Ce délai est impératif, et aucune réclamation n’est recevable au-delà.
Première étape : la commission départementale de conciliation
Le premier recours est à l’amiable. Le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation (CDC). Cette instance gratuite dépend de la préfecture. Pour cela, un courrier recommandé avec les motifs de la contestation suffit. Il doit contenir :
- Les références du bail (date, adresse du logement)
- Le montant du loyer et du complément
- Les éléments montrant que la caractéristique invoquée est commune ou peu distinctive
Si un accord est trouvé, il est formalisé par un procès-verbal. Si ce n’est pas le cas, un avis est rendu, sans valeur contraignante, mais utile pour la suite.
Deuxième étape : le juge
En l’absence de conciliation, le locataire a de nouveau trois mois, cette fois à compter de la réception de l’avis de la commission, pour saisir le juge des contentieux de la protection. Ce dernier peut alors supprimer ou réduire le complément, voire obliger le bailleur à rembourser les sommes déjà perçues.
Sanctions possibles pour le bailleur
Les bailleurs qui réclament un complément non justifié ou qui ne respectent pas les obligations d’encadrement s’exposent à des sanctions financières décidées par la direction départementale de la protection des populations (DDPP).
Les amendes prévues sont les suivantes :
- 5 000 € pour un bailleur personne physique
- 15 000 € pour un bailleur personne morale (société, SCI, etc.)
Ces sommes peuvent s’ajouter à un éventuel remboursement rétroactif du complément jugé illégal. Le calcul du remboursement s’effectue depuis la date d’entrée du bail, parfois sur plusieurs années en cas de renouvellement tacite.
Dans ce contexte, plusieurs guides comme celui de Smartloc ou LegalPlace rappellent les droits et obligations des deux parties lors de la fixation du loyer initial.
Bonnes pratiques en cas de doute
Avant d’entamer une procédure, mieux vaut adresser une lettre au bailleur pour discuter du supplément contesté. Certains préfèrent corriger directement leur demande plutôt que d’aller au conflit. Le dialogue reste possible, surtout lorsque les sommes en jeu sont limitées.
En cas de doute plus large sur la justification d’une clause ou la conformité du bail dans son ensemble, il est aussi possible de vérifier d’autres points comme la surface habitable réelle, ce qui peut amener à se demander si la révision du loyer en fonction de la surface réelle est possible ou justifiée.
Conclusion
Un complément de loyer pour « vue dégagée » est envisageable dans certains cas, mais il doit reposer sur un caractère réellement exceptionnel et clairement identifiable. Le locataire dispose de recours simples, à condition de les engager à temps. Bien connaître la procédure et les critères retenus rend la contestation plus efficace.
En cas de litige ou d’incertitude, s’appuyer sur l’avis d’un avocat ou consulter les ressources spécialisées comme celles du site PAP peut permettre d’éviter des erreurs de jugement ou de procédure.