Les travaux réalisés pendant un bail posent souvent des questions juridiques et pratiques pour les locataires comme pour les propriétaires. Qu’ils soient urgents, planifiés ou imposés par la loi, ces aménagements sont encadrés par des textes visant à concilier entretien du logement et respect du droit d’usage du locataire.
Travaux et temps d’exécution : la règle des 21 jours
L’article 1724 du Code civil établit une distinction majeure selon la durée des travaux. Si ceux-ci dépassent 21 jours consécutifs, le locataire peut exiger une réduction de loyer. Le montant est alors calculé proportionnellement au temps et à la surface rendue inutilisable.
Lorsque les travaux durent moins de 21 jours, aucune réduction n’est imposée par la loi. Le propriétaire peut alors décider, à sa discrétion, d’accorder ou non une compensation financière.
Application concrète de la règle
Surface affectée (m²) | Surface totale (m²) | Loyer mensuel (€) | Réduction applicable (€) |
---|---|---|---|
10 | 80 | 1 000 | 125 |
Dans cet exemple, une salle de bains de 10 m² rendue inaccessible pendant un mois donne droit à une réduction de 125 €, soit 12,5 % du loyer.
Obligations du bailleur et du locataire selon le type de bail
Bail d’habitation
Le bailleur est tenu, d’après l’article 1719 du Code civil, d’assurer à son locataire un logement décent et en bon état. Tous les travaux de fond, y compris de mise aux normes ou de remplacement d’équipements vétustes, relèvent de sa charge. Le locataire, lui, prend en charge l’entretien courant et les menues réparations listées à l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989.
Bail commercial
La répartition est plus nuancée et souvent précisée dans le contrat. Certaines charges peuvent être légalement transférées au preneur, sauf celles qualifiées de grosses réparations au sens des articles 605 et 606 du Code civil.
- À la charge du locataire : entretien des sols, réparations mineures, maintenance des installations.
- À la charge du bailleur : remplacement de la toiture, rénovation des voûtes ou murs porteurs, raccordement aux normes électriques.
La loi Pinel de 2014 a durci l’encadrement, interdisant tout transfert de grosses réparations de structure au locataire, même par clause expresse.
Que faire quand les travaux gênent réellement la jouissance du bien ?
Qu’ils soient initiés par le bailleur ou imposés par une autorité (ravalement, désamiantage), ces travaux peuvent contraindre ponctuellement le locataire à modifier son mode de vie. Au-delà d’un seuil de tolérance, une indemnisation complémentaire peut être négociée.
Ce régime d’indemnisation renforcé s’applique quand les désagréments sont anormaux : nuisances sonores permanentes, poussières envahissantes ou limitations d’accès aux pièces de vie. La jurisprudence qualifie alors ces troubles de « privation de jouissance », donnant force à une réduction ou suppression temporaire de loyer (Cour d’appel de Paris, 13 mars 2018).
Certains cas plus extrêmes justifient même un hébergement temporaire à la charge du bailleur.
Procédures obligatoires : informer et justifier
Du côté du propriétaire
Avant le lancement des travaux, une notification écrite doit parvenir au locataire. Celle-ci, envoyée en recommandé avec accusé de réception, doit inclure :
- La description détaillée des travaux
- Leur durée estimée
- Le calendrier de réalisation
En l’absence de ce formalisme, le bailleur s’expose à l’annulation de la clause de souffrance s’il y en a une.
Du côté du locataire
Si les travaux dépassent les 21 jours ou affectent significativement une zone de vie, il peut émettre une demande d’indemnisation écrite au propriétaire. Elle devra mentionner les pièces concernées, la durée de l’inexistence d’usage, et le montant de la réduction sollicitée.
En cas de refus, un écrit conservé servira de preuve utile dans le cadre d’un recours futur.
Clauses contractuelles et limites juridiques
Certains baux intègrent une clause dite de souffrance, par laquelle le locataire accepte à l’avance de supporter certains désagréments sans compensation. Cette disposition reste valable, mais ne saurait justifier l’entrave à l’usage normal du logement ou des locaux à usage professionnel.
En droit commercial, le locataire peut invoquer un manquement à l’obligation de délivrance si les travaux l’empêchent d’exploiter son activité. Cela peut engendrer la résiliation judiciaire du contrat si le trouble est jugé trop sérieux ([source](https://cabinetnoyer.fr/bail-commercial-travaux/)).
Que faire en cas de litige ?
Si aucun accord amiable n’est trouvé, le locataire peut saisir le tribunal judiciaire. Cette démarche, souvent motivée par l’absence de compensation malgré une gêne manifeste, débouchera sur la fixation par un juge d’une indemnisation, le cas échéant rétroactive.
Un constat d’huissier, des enregistrements sonores, ou des attestations de voisins peuvent renforcer la recevabilité de la demande. Pour en savoir plus sur les litiges locatifs plus larges, y compris ceux liés aux hausses de charges en fin de bail, notre article dédié aux frais locatifs en fin de bail apporte des éclairages complémentaires.
Vers un équilibre respecté grâce aux lois récentes
Les évolutions engendrées par les lois Alur et Pinel rendent plus difficile toute déresponsabilisation du bailleur en matière de gros travaux. Le locataire est mieux protégé et peut s’appuyer sur des textes clairs pour faire valoir ses droits.
La loi Alur notamment, a supprimé la notion ancienne de tolérance sur les travaux lorsqu’ils étaient liés à l’intérêt de l’immeuble ou au voisinage. Désormais, la compensation du trouble occasionné, même sur une courte période, relève de la réalité d’un « désavantage subi » plus que de l’usage du bail.
Sur les baux commerciaux comme d’habitation, la notion de jouissance paisible reste la référence.
Pour des informations détaillées supplémentaires, vous pouvez consulter certains des points abordés dans les guides de BailFacile ou encore sur le site de La Finance Pour Tous.